Son souvenir est un sujet tabou pour au moins deux raisons :
1—C’était une farouche opposante à feu le Roi Hassan II;
2—Elle est morte en prison faute de soins, après 34 jours de grève de la faim.
Pourtant, cette femme mérite d’être connue et les marocaines et marocains ont toutes les raisons d’en être fiers : elle est morte pour ses idées et pour le Maroc de ses rêves.
Qui est Saida Menebhi?
Saïda Menebhi est née en septembre 1952 à Marrakech. Elle exerçait comme professeur d’anglais à Rabat.
Elle adhère dans la clandestinité au mouvement marxiste-léniniste « Ila Al Amame », littéralement «En avant», organisation socialiste-marxiste clandestine qui œuvrait pour l’avènement de la révolution socialiste au Maroc dans les années 1970. Elle était, aussi devenue membre du syndicat marocain, l'Union marocaine du travail (UMT).
Elle est arrêtée le 16 janvier 1976 à Rabat, pour ses activités politiques au sein du mouvement interdit « Ila Al Amame ». Elle subit des tortures physiques et psychologiques dans le centre de détention illégal de Derb Moulay Cherif à Casablanca.
Un an plus tard, elle est condamnée à 5 ans de détention pour « atteinte à la sûreté de l’État », plus deux ans pour «injure à magistrat».
-
Saïda Menebhi est décédée le 11 décembre 1977 à l'hôpital Averroès de Casablanca, à l’âge de 25 ans, suite à la grève de la faim de 34 jours qu’elle avait entamée pour protester contre les conditions de détention des prisonnier/es politiques.
Un échantillon de ses poèmes de prison
.
Saïda Menebhi a écrit de nombreux poèmes, avant et pendant son emprisonnement, dans lesquels elle dénonçait le régime répressif à son époque et y exprimait ses espoirs pour une société meilleure.
POÈME 1 :12 nov. 1976
Je veux rompre ce silence
Humaniser ma solitude
Ils m’ont désœuvrée
Pour que rouille ma pensée
Et que gèle mon esprit
Mais tu sais toi que je chéris
Que tel un volcan qui est en vie
Tout en moi est feu
Pour brûler les lourdes portes
Tout en moi est force
Pour casser les ignobles serrures
Et courir près de toi
Me jeter dans tes bras.
POÈME 2 : janvier 1977
«Je t’avais déjà expliqué
mon enfant
non comme la maîtresse l’a fait
qu’en prison
il n’y a pas que les «truands»
ils y mettent ceux qui refusent
la corruption
le vol et la prostitution
ceux qui hurlent
pour que la terre appartienne à ceux qui la travaillent
ceux qui font fondre l’acier
pour créer le soc et la charrue
qui creusera la terre
où l’on sèmera l’amour
pour nourrir tous les enfants (…)»
POÈME 3 : 4 mars 1977
Aujourd’hui maman chérie
J’ai reçu ta photo
Que j’ai tant désirée
Je l’ai longtemps regardée
Et puis je l’ai montrée
À toutes les prisonnières
Qui sont avec moi
J’étais comme un enfant
Qui a reçu son premier cadeau
Et qui croit avoir le monde entier
Entre ses bras
(…)
O mère
Que ton regard demeure
Un vaste ciel d’été
Sans nuages et bleuté
Mère, tu m’as enfantée
Mais ma patrie aussi
Et c’est pour la sauver
Que je suis loin de toi
Que je suis en prison.
POÈME 4 : 6 avril 1977
Ne pleure pas camarade
Femme
Toi qui de ta voix si frêle
A fait battre le cœur
De tous les combattants
Tes larmes transparentes
Perles de verres rondes
Réserve-les pour le jour nouveau
Car nous pleurerons de joie
Lorsque notre terre (patrie) si chère
Nous reviendra.